L'expertise anti-âge

Le vieillissement et la compréhension des facteurs qui déterminent l'horloge biologique de la mort "naturelle" ont depuis toujours suscité de nombreuses interrogations.

 De nombreuses "théories du vieillissement" ont été proposées depuis le début des années 30, et l'idée que le vieillissement et la mort pourraient constituer une adaptation indispensable à la survie et au développement des espèces vivantes est encore un sujet très largement débattu.

Malgré l'existence de variations inter-individuelles, les traits caractéristiques de la vieillesse sont la diminution des capacités d'adaptation à l'effort et au stress, la détérioration progressive des processus métaboliques et physiologiques et l'atrophie cutanée.

Différentes maladies sont tout particulièrement associées à cette période de la vie : les maladies cardiaques et vasculaires, les maladies neurodégénératives (maladies d'Alzheimer et de Parkinson), l'ostéoporose, le diabète, ainsi que certains cancers comme celui de la prost ate.

La formation de radicaux libres

 

Parmi les différentes hypothèses qui ont été proposées pour expliquer les processus conduisant à l'affaiblissement des fonctions cellulaires au cours du vieillissement, la formation de radicaux libres oxygénés et les dommages cellulaires qu'ils peuvent causer (dégradation de molécules-clé et dysfonctionnements cellulaires – ce phénomène est couramment nommé "stress oxydant" dans la littérature) pourraient jouer un rôle prépondérant.

 

Les radicaux libres oxygénés sont formés dans les cellules eucaryotes tout particulièrement au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale.

 

Au cours de la respiration, un ensemble de complexes multiprotéiques intégrés dans la membrane interne mitochondriale et de transporteurs d'électrons tels que l'ubiquinone et le cytochrome C catalysent le transfert d'électrons provenant des intermédiaires réduits du catabolisme (NADH/FADH2) vers un accepteur final, l'oxygène moléculaire.

 Cependant, pour une quantité non négligeable d'oxygène (5 à 10%, voire plus dans certaines conditions physiopathologiques), des réa ctions de transfert monoélectronique pourront être favorisées.

Bien qu'acceptant toujours au total quatre électrons pour former H2O, l'oxygène sera réduit par étapes monovalentes, produisant ainsi trois types d'intermédiaires réactifs, le radical superoxyde, O2.-, le peroxyde d’hydrogène H2O2 et le radical hydroxyle OH.-.

Ces espèces vont alors soit indirectement favoriser, soit directement initier des réactions en chaîne dont la première étape est souvent la rupture homolytique des liaisons carbone-hydrogène ou l’addition sur les doubles liaisons carbone-carbone des biomolécules constituant le"squelette" de la cellule (phospholipides, protéines, acides nucléiques).

Il existe des systèmes antioxydants naturels de régulation et de protection de nature enzymatique (superoxyde dismutases (SOD), catalases et peroxydases) et non enzymatique (vitamines C et E, glutathion réduit). Mais ceux-ci peuvent s’avérer insuffisants lorsque le flux d’espèces oxydantes est trop important, ce qui peut être le cas en situation pathologique.

 

Le stress oxydant et la dégradation cellulaire

 

L’idée que le stress oxydant est le principal responsable des processus de dégradation cellulaire et des dysfonctionnements liés au vieillissement a été proposée par Denham Harman dès 1956 (1).

 Depuis lors, afin d’apporter des éléments permettant de conforter cette hypothèse et d’évaluer la contribution réelle des radicaux libres et des espèces oxydantes non radicalaires dans de tels processus, de très nombreuses études ont été effectuées sur différents modèles animaux et même humains, visant à établir des corrélations entre l’âge et :

·         La diminution du taux d’antioxydants cellulaires ;

·         L’accumulation des sous-produits de dégradation des macromolécules (protéines, lipides, acides nucléiques oxydés) dans certains tissus ;

·         Les désordres fonctionnels et/ou métaboliques.

 

Des résultats souvent contradictoires ont été obtenus dans la recherche de telles corrélations, en partie à cause de la grande diversité des espèces ou des types de cellules étudiés, ainsi que des protocoles expérimentaux et méthodes d’analyse mis en oeuvre.

La mitochondrie, source de radicaux libres

 

La mitochondrie qui, comme nous l’avons mentionné précédemment, est considérée comme la source majeure de production cellulaire de radicaux libres, a fait l’objet de nombreuses études.
De très nombreux éléments permettent actuellement d’affirmer que les radicaux libres, en induisant des réactions de peroxydation lipidique, sont responsables d’une part importante de la diminution de la fluidité membranaire et de la baisse d’activité de certains transporteurs tels que la cytochrome oxydase, dans les mitochondries de tissus agés.

Cependant, il n’a pas été clairement démontré de diminution de l’activité mitochondriale d’enzymes antioxydantes comme la glutathion peroxydase ou la catalase dans ces mêmes modèles (2). Bien que l’hypothèse d’une corrélation étroite entre le vieillissement des tissus et les dégradations oxydatives dans les mitochondries soit considérée avec grand intérêt (3), il n’existe pas de relation directe entre ces dégradations oxydatives observées et une déficience de la phosphorylation oxydative qui, en entraînant une baisse de la production d’ATP, aurait pu être à l’origine du vieillissement des tissus.

Si la question des mécanismes impliqués dans le vieillissement des organismes vivants et de la place des radicaux libres dans ces processus n’est certes pas résolue, une grande majorité des travaux confirme que les tissus âgés contiennent des taux supérieurs de lipides et de protéines oxydés à ceux des sujets jeunes.

De récents travaux ont montré que le taux de protéines oxydées dans les érythrocytes d’individus atteints de Progeria o
u du syndrome de Werner, maladies d’origine génétique qui se traduisent par un vieillissement accéléré, est très significativement supérieur à la normale (4).

Enfin, il est également bien établi (5) que le vieillissement est associé à la diminution de l’expression (et donc de la synthèse) des protéines de stress telles que l’HSP 70, ce qui pourrait en partie être à l’origine de la diminution de la tolérance au stress chez les sujets âgés.

Les antioxydants

Dans le but d’approfondir l’étude des processus impliqués dans le vieillissement, mais aussi d’analyser les effets de nouveaux antioxydants, l’utilisation de différents modèles biologiques est indispensable, s’agissant :

·         D’espèces animales de longévité très différentes (insectes, petits mammifères) ;

·         D'espèces normales et transgéniques pour lesquelles des modifications génétiques permettent d’agir sur la cinét ique du vieillissement.

L’utilisation d’une technique de détection directe des radicaux libres telle que la Résonance Paramagnétique Electronique, associée aux techniques biochimiques de mesure des sous-produits d’oxydation des lipides et des protéines pourrait être d’un apport considérable dans l’exploration des mécanismes radicalaires liés à l’âge.

La mise au point récente au laboratoire de nouvelles molécules phosphorylées biocompatibles, mieux adaptées au piégeage et à la détection des radicaux libres oxygénés q ue les composés jusqu’alors utilisés (6), pourrait ainsi permettre de mettre pour la première fois en évidence une surproduction radicalaire chronique chez des sujets ou des animaux âgés.

Il faut également noter que certaines molécules lipophiles piégeurs de radicaux libres pourraient également constituer des molécules protectrices à part entière, en agissant contre les dégradations oxydatives engendrées au cours du vieillissement (7).

 

1 - Harman, D. (1956). Aging: A theory based on free radical and radiation chemistry. J. Gerontol., 11, 298-300.

2 - Hansford, R.G. (1983) Bioenergetics in Aging. Biochimica et Biophysica Acta. 726, 41-80.

3 - Harman, D. (1983) Free Radical Theory of Aging: Consequences of mitochondrial aging. Age, 6, 68-94.

4 - Oliver, C.N., Ahn, B.W., Moerman, E.J., Goldstein, S., Stadtman, E.R. (1987) Age-related changes in oxidized proteins. J. Biol. Chem., 262, 5488-54 91.

5 - Fargnoli, J., Kunisada, T., Fornace, A.J., Schneider, E.L., Holbrook, N.J. (1990) Decreased expression of heat shock protein 70 mRNA and protein after heat treatment in cells of aged rats. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 87, 846-850.

6 - Fréjaville, C., Karoui, H., Le Moigne, F., Culcasi, M., Pietri, S., Tordo, P. (1993) Synthèse d’une nouvelle nitrone phosphorylée, la 5-diethoxyphosphoryl-5-methyl-1-pyrroline N-oxyde (DEPMPO). Application au piégeage in vivo et in vitro des radicaux libres oxygénés. Brevet d’invention CNRS N° 9308906, juillet 1993

7 - Carney, J.M., Starke-Reed, P.E., Oliver, C.N., Landum, R.W., Cheng, M.S., Wu, J.F., Floyd, R.A. (1991) Reversal of age-related increase in brain protein oxidation, decrease in enzyme activity, and loss in temporal and spatial memory by chronic administration of the spin-trapping compound N-tert-butyl-alpha-phenylnitrone. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 88, 3633-3636.

 

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